Titre : Kokoro no Hi
Auteur : Isil (isilhelluin@yahoo.fr)
Base : Dir en Grey
Genre : Torturation générale
Couples : Jalousies&Malentendus… L’équation est bien compliquée lol
 
*18/08/2004*
 
Kokoro no Hi
Chapitre 10
 

Le serveur revint avec leurs boissons et les servit avec une discrétion efficace et une conversation rafraîchissante de légèreté. Après quelques platitudes, les trois musiciens se retrouvèrent de nouveau seuls, face à leurs verres, plongés dans le silence, chacun cherchant plus ou moins intensément une façon de le rompre.
Sans grande surprise, ce fut une fois de plus Die qui brisa l’atmosphère pesante, en se penchant de nouveau vers Shinya, lui murmurant d’un ton faussement conspirateur :
 
-Si tu veux qu’on te laisse seul, tu n’as qu’un mot à dire. On voudrait pas te gêner dans l’attente de ta proie de la soirée…
 
Le batteur avala une grande gorgée de son verre, le liquide inconnu aux yeux des deux autres, mais sans nul doute très alcoolisé. Le buveur n’eut pourtant pas le moindre sourcillement, juste le sempiternel regard venimeux à l’encontre du roux.
 
-Contrairement à certains, je suis capable de me concentrer sur autre chose que ma petite personne.
-Hé ! Ne me traite pas d’égoïste ! Regarde, je m’inquiète pour toi et ton bien-être.
-Rends moi service, Daisuke : oublie moi, plutôt.
-Comment oublier un joli minois comme le tien ?
 
Shinya posa brutalement son verre sur la table et fit mine de se lever, son seuil de tolérance vis-à-vis des insinuations de son aîné étant visiblement atteint. Kaoru lui saisit le poignet et lança un regard sévère à l’autre guitariste.
 
Il doutait avoir la force de supporter encore longtemps ce genre de querelles stériles, surtout ce soir. Il les enjoignit muettement de faire un effort, pour lui. Pour le groupe.
 
Le batteur se figea avant de soupirer et de se rasseoir avec une mauvaise volonté plus qu’évidente. Die quand à lui, redevint sérieux et s’excusa auprès de son leader d’un simple regard. Puis il se tourna vers son cadet et marmonna d’un air penaud :
 
-Excuse moi. Je ne sais jamais quand m’arrêter, tu devrais t’en souvenir…
 
Le plus jeune se radoucit quelque peu et finit son verre sous les yeux admiratifs de ses compagnons. Le roux, en particulier, rageait intérieurement de ne pas avoir une aussi bonne descente. Il regardait le batteur avec envie quand un détail dans l’arrière plan retint son attention.
 
-Dis donc, Shin-chan, je crois bien que t’as une touche !
-Die !
-M’engueule pas, Kaoru ! Regarde, ce type là bas le fixe depuis tout à l’heure…
 
Le brun se retourna discrètement et constata par lui-même les dires de son ami. Un homme assis seul à une table dans un renfoncement regardait en effet dans leur direction. Avec la distance et la faible luminosité, il lui était difficile de distinguer clairement ses traits, mais il pouvait apercevoir des cheveux châtain clairs mi longs et le bleu foncé de sa chemise. Il y avait pourtant quelque chose dans cette silhouette qui lui eveillait chez lui un sentiment bizarre. Comme un air de déjà-vu troublant et douloureux…
 
-Mais…
 
Die se pencha en avant, comme si ça allait l’aider à y voir mieux, plissa un instant les yeux et se rejeta soudain vers l’arrière avec un grand cri. Il pointa un doigt triomphant et très peu discret vers l’inconnu et s’exclama :
 
-Mais oui ! C’est Kiyoharu !
-Kiyoharu ?
-Oui, l’ex-chanteur de Kuroyume et de sads ! Le mec qui a fait des photos à poil dans le READ ! L’idole incontestée de K…euh.
-L’idole de Kyo. Tu peux le dire, je vais pas tomber en miettes.
 
Pris dans leur gêne, les deux hommes ne virent pas Shinya s’écarter légèrement de la table, comme pour pouvoir fuir plus facilement. Le jeune homme se raidit encore plus quand Die fit remarquer que Kiyoharu s’était levé et se dirigeait vers eux.
 
Il les rejoignit en quelques grandes enjambées, un léger sourire poli aux lèvres. Il s’arrêta devant leur table, le pouce glissé dans le passant de son jean et une cigarette coincée entre l’index et le majeur. Les deux guitaristes levèrent les yeux vers lui, détaillant sa posture. Tous deux ressentirent un vague sentiment d’infériorité qui passa quand leur aîné tira sur sa cigarette et se pencha en avant pour s’appuyer sur le dossier de la chaise inoccupée. Il leur offrit à chacun un léger sourire.
 
-Bonsoir Kaoru-san, Die-san, Shinya…
 
Kaoru fronça les sourcils. Juste Shinya ? Le chanteur était étrangement cavalier. Un bref coup d’œil à Die confirma sa pensée. Lui aussi avait noté le ton presque taquin employé par l’autre homme. Il secoua la tête et se reprit.
 
-Bonsoir, Kiyoharu-san.
 
Il ne savait pas quoi penser de lui. Dans leur milieu, on connaissait les gens sans vraiment leur être intime. On apprenait à jauger ses ‘collègues’ par les rumeurs qui circulaient sur leur compte, autant dire qu’on ne savait rien. Tout ce qu’il savait sur leur interlocuteur, c’était ce qui lui avait appris son propre chanteur à l’époque pas si lointaine où il leur arrivait encore de passer des soirées à parler de tout et de rien, juste pour savourer la si douce intimité d’un moment entre amis. Il se mordit la lèvre et s’efforça de reprendre la conversation en route. Die avait lui aussi salué le chanteur et Shinya lui avait offert un hochement de tête sobre mais poli.
 
Kiyoharu les gratifia d’un énième sourire avant de se laisser tomber sur la chaise qui lui servait jusqu’alors d’appui. Il tira de nouveau sur sa cigarette et rejeta la tête en arrière pour souffler la fumée. Sans se redresser, il demanda :
 
-Plutôt sympathique comme endroit, non ?
 
Kaoru hocha la tête avant de réaliser que le chanteur, dans sa position plutôt biscornue, ne risquait pas de voir sa réponse. Heureusement, Die se manifesta à sa place.
 
-C’est très sympa, en effet.
-Vous venez souvent ?
-C’est la première fois.
 
Kiyoharu eut un petit rire et se remit droit, se tournant vers Shinya, qui saisit un verre pour le porter à ses lèvres. Die ouvrit la bouche pour protester face au vol de sa boisson. Il la referma aussitôt pour étouffer un couinement très peu viril quand son pied fut impitoyablement écrasé.
 
Le chanteur fixait toujours le batteur, le menton posé sur une main, la tête légèrement penchée sur le côté. Ses yeux brillaient d’une lueur indéfinissable à la lumière blafarde des quelques appliques fixées aux murs.
 
-Tu ne les avais jamais emmenés ici avant ? Quand même, depuis le temps que je t’ai fait découvrir ce bar, tu aurais pu partager ça avec eux plus tôt…
 
Die sursauta et s’apprêtait à manifester sa surprise quand son autre pied subit le même sort que son jumeau. De nouveau, il étouffa un gémissement de douleur, maudissant intérieurement son leader et son sang-froid à toute épreuve. Il se contenta d’observer du coin de l’œil la réaction du batteur.
 
Reposant son verre avec calme, le jeune homme passa une main dans ses cheveux pour se donner une contenance, après quoi il rétorqua d’une voix égale :
 
-Me reprocheriez vous ma discrétion, Kiyoharu-san ? Il me semble pourtant que c’est vous qui m’avez conseillé de ne pas trop faire la publicité de cet endroit.
 
Le chanteur écrasa sa cigarette d’un geste sec, dévoilant au passage quelques tatouages qui renforcèrent l’impression de déjà-vu et le malaise des deux guitaristes. Il secoua la tête d’un air faussement déçu et répliqua :
 
-Tu me vouvoies, maintenant ? Suis-je donc devenu si peu important à tes yeux pour que tu me parles comme à un étranger ?
-Ne dis pas n’importe quoi !
 
Le batteur s’était levé d’un bond, frappant la table de ses deux poings. Une fois debout, il sembla réaliser sa réaction et baissa la tête, ses mèches rousses lui offrant une maigre protection face aux regards surpris qui s’étaient posés sur lui. Kaoru et Die fixaient tour à tour leur cadet et le chanteur, hésitant à formuler la moindre hypothèse tant elle leur paraissait incroyable…Pourtant…
 
Kiyoharu, lui, se laissa aller vers l’arrière et s’appuya contre le dossier. Un léger sourire errait toujours sur ses lèvres, mais ses yeux n’offraient pas la même chaleur. Ils étaient toujours habités de cette étrange flamme qui paraissait familière aux deux témoins de la scène sans qu’ils puissent pour autant l’identifier.
 
Le chanteur se leva et salua muettement les guitaristes avant de se tourner vers le batteur. Il tendit la main et effleura une des mèches qui caressaient sa joue.
 
-Ravi de voir que je peux encore te faire réagir, Shin-chan…
 
Il tourna les talons, laissant derrière lui un silence interloqué. Deux paires d’yeux se posèrent sur le plus jeune, toujours debout. Il passa une main nerveuse sur sa chemise, pour en éliminer des plis invisibles. Il était pâle, à tel point que Kaoru se prépara à se lever pour le soutenir en cas de besoin. Mais avant qu’un d’eux n’ait pu poser la moindre question, le batteur avait empoigné sa veste en marmonnant un vague au revoir et avait lui aussi tourné les talons.
 
Ils le regardèrent s’éloigner, complètement abasourdis. Die secoua la tête et balbutia :
 
-Alors là… J’aurais pensé à tout sauf à ça…
-Ne dis rien aux autres.
 
Le roux ne protesta que pour la forme. La situation était déjà bien assez compliquée. Il se sentait cependant assez mal à l’aise de laisser son cadet s’en aller comme ça. Il avait l’air secoué. Quoi qu’il ait pu se passer réellement avec Kiyoharu, il n’avait pas l’air de vouloir en parler et pourtant… Parfois le simple fait de se confier pouvait suffire à trouver une solution à son problème… Parfois…
 
-Notre petite soirée est un vrai fiasco.
-Je ne te le fais pas dire… Je te raccompagne ?
-Ouais… Laisse moi passer aux toilettes avant.
 
Die hocha la tête et se leva, imité par son leader. Ils laissèrent de quoi régler leurs boissons et se dirigèrent vers le fond de la salle. Une fois dans les toilettes, Kaoru se passa un peu d’eau sur le visage. Il resta ensuite un instant penché au dessus du lavabo, à regarder les gouttes d’eau s’écraser contre le marbre froid, comme des larmes qu’il n’arrivait pas à verser… Pourquoi ?
 
Parce que ces larmes auraient été le symbole cuisant de la victoire de celui qui avait si patiemment et si insidieusement tissé la toile de ce désastre. Et à cet instant où il lui semblait avoir tout perdu, Kaoru ne pouvait que s’accrocher à ce lambeau presque futile de fierté et espérer ne pas chuter pour de bon… Puis se mettre à genoux dans les débris de sa vie, au risque de se blesser et chercher patiemment à recoller les morceaux, essayer d’ignorer les éclats trop abîmés et les trous béants…
 
Il entendit un soupir et releva la tête, essuyant quelques gouttes qui lui tombaient dans les yeux. Die s’était appuyé contre le mur et regardait en face de lui d’un air absent.
 
-C’est bizarre… On croit avoir une vie parfaite, des amis, du succès… Et puis il suffit d’une misérable dispute pour que tout éclate… Comme quoi, les certitudes auxquelles on se raccroche sont parfois les plus fragiles…
-Tu es bien philosophe, ce soir…
-C’est l’alcool.
-Vraiment ? J’avais cru voir Shinya faire un sort à ton verre…
-Il l’a fait. Merci pour mon pied, d’ailleurs.
 
Kaoru sourit faiblement et se retourna pour faire face au miroir. Die vint le rejoindre et ils se tinrent un instant côte à côte, se contemplant dans le verre poli. Leurs visages portaient les marques de la fatigue et leurs yeux brillaient d’une lueur étrange… Celle du désespoir, cette flamme maladive mais qui malgré tout ne s’éteint pas et qui finit par tout consumer si on la laisse faire… Elle était là, tremblotante au fond de leurs pupilles…
 
Aussi douloureuse que fût cette constatation, Kaoru sentit son cœur se serrer encore plus quand il se rappela l’expression sur le visage de Kiyoharu. S’il s’était tenu à leurs côtés, il n’aurait pas dépareillé… Ses yeux aussi luisaient comme les leurs…
 

A SUIVRE…

 

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